Je suis actuellement dans une phase un peu nulle. L’été est toujours une période de remise en question de ma pratique niveau boss final. En juin, j’en ai marre. En juillet, j’en ai plus que marre. Et en août, je lâche tout, je suis en vacances, je prends des photos mais ne produis aucun cyanotype. Quand tout fonctionne à peu près bien, je reviens en septembre plus zen et avec de nouvelles idées. Cette année, bof.
Des idées, j’en ai quelques unes, faut pas exagérer. J’ai envie de développer ma poésie contemporaine mais ça demande un travail d’écriture en plus du photographique, donc ça prend du temps. J’ai aussi quelques images çà et là qui ne demandent qu’à être testées. Tout va bien alors ! Bah, pas dingue, je manque de conviction.
J’ai un degré d’exigence envers moi-même que je ne suis pas certaine d’être en mesure d’atteindre. Je pense avoir pris le pli en arrêtant de me comparer aux autres : sur Instagram, je suis assez peu de photographes qui font du cyanotype et j’essaie de ne suivre que celles et ceux qui font des choses différentes de ce que je fais (et que j’aime). Le truc, c’est qu’il y a beaucoup de choses que je n’aime pas dans le médium que j’utilise.
Sur YouTube, je suis le photographe Paul Napo dont j’aime le travail et particulièrement ses portraits d’enfants irlandais. Ses vidéos sont intéressantes, humbles et calmes, avec un esprit critique qui n’en fait pas des tonnes. Il a récemment publié le deuxième épisode de sa vision de ce qui est sous-côté et sur-côté en photographie avec des termes soumis par ses abonné·es. Quelqu’un, et ce n’est pas moi, lui a demandé ce qu’il pensait des développements alternatifs (tels que le cyanotype). Premièrement, ça ne l’intéresse pas et il trouve ça sur-côté. Je n’ai aucun problème avec ça. Je suis même d’accord avec ce qu’il dit ensuite, que ça n’apporte pas grand chose à la photo sous prétexte que celle-ci est tirée de façon alternative. Une photo naze reste une photo naze.
Je sais ce que vous vous dites, qu’est-ce qu’une photo naze ? Eh bien chacun·e a sa définition, croyez-moi, sinon il n’existerait pas autant de photographes dans le monde.
Le cyanotype est à la mode. Je ne sais pas depuis quand mais je ne fais pas exception, si je suis tombée dedans c’est probablement parce que la pratique est très démocratisée. Naviguez sur Etsy, c’est saturé. Et donc je vois des choses que je n’aime vraiment pas du tout. Je pourrais les lister mais je ne crois pas que ça ait un grand intérêt, toutefois le concept de photo naze s’applique facilement dans le monde du cyanotype. Je crois que des gens pensent voir dans ce procédé une manière d’embellir une photographie. Oh, c’est bleu, donc ce n’est pas raté ! Selon moi, c’est le même cheminement de pensée qui intervient dans un rendu daté et/ou de mauvais goût en photographie générale : la désaturation partielle ou le HDR poussé à outrance par exemple. Un résultat joli n’est pas garanti d’avance et je ne crois pas qu’être jolie est le but ultime d’une photographie. Enfin chacun·e pratique à sa convenance, on fait encore ce qu’on veut, moi-même je ne suis pas sûre de toujours être dans une intense réflexion artistique. Affaire de goût, donc.
Il convient de tirer mon épingle du jeu. Pourquoi mes photos seraient meilleures que celles des autres ? Ai-je envie d’être meilleure que les autres ? Qu’est-ce que j’apporte ? Pour qui je me prends ? Je ne suis pas capable de répondre à ces questions, d’autant plus que je suis extrêmement critique envers mon propre travail. Alors je procède autrement. Je ne me parle plus, j’agis. J’essaie, je développe et je réagis. Je sais tout de suite si ma photo est super naze. Parfois, ma photo est cool en couleur et super naze en bleu, d’autre fois c’est l’inverse. Avec la pratique, ça me saute aux yeux. Ça ne veut surtout pas dire que mon travail est brillant et que je suis une génie, non, ça veut dire que je suis satisfaite, au moins pour un temps, et que je peux montrer ma photo au monde sans ressentir de honte.
Je refuse de produire à la chaîne et d’utiliser le cyanotype comme prétexte. Toutefois, les tirages que je vends dans ma boutique en ligne ont une vocation décorative, à tout moment je tombe dans la facilité (est-ce déjà fait ?). Si un jour j’en arrive là, je crois bien qu’il faudra m’abattre.
Photo d’illustration : Patrick Tomasso