Il y a une petite quinzaine d’années, je n’étais pas trop mal équipée en matière d’appareil photo. J’avais un réflex Olympus E-510 qui faisait le taf dans ce que je lui demandais : photographier tout et n’importe quoi, surtout mes potes et d’autres fois des trucs un peu sympas. À l’époque je n’ai pas poussé l’apprentissage technique à fond parce que je n’en ressentais pas le besoin, les bases que j’avais me convenaient. Quand les capteurs des smartphones sont devenus très chiadés, l’Olympus a progressivement été laissé dans le placard, d’autant que j’ai constaté ses faiblesses les années passant. Et je n’ai jamais renouvelé mon matériel, principalement à cause de finances déliquescentes. J’ai toujours le même smartphone depuis 2017. C’est un OnePlus 5T et je l’avais choisi pour les qualités de son appareil photo. Il a toujours très bien fonctionné, je n’ai jamais été déçue.
Les choses ont changé
Au printemps, pour mon anniversaire, m’a été offert un superbe cadeau que je n’espérais même pas me procurer : un nouvel appareil photo. Il s’agit cette fois d’un hybride, le Panasonic Lumix GX9 qui est sorti il y a déjà quelques années mais il est très performant. J’ai aussi trois objectifs : un 12-32 mm F3.5-5.6, un 35-100 mm F4.0-5.6 et un 25 mm F1.7. Avec ça, j’ai tellement de polyvalence que je me sens la reine du pétrole (les puristes lèvent les yeux au ciel mais je ne vous vois pas, je ne vous entends pas, vous n’existez pas).
Cet été, j’ai fait une pause dans le développement de cyanotypes pour roder ma nouvelle bécane. J’ai découvert des fonctionnalités que je n’avais jamais connues (le wifi ?! Truc de ouf) et d’un coup la vie est devenue plus facile. Je commençais à ressentir sérieusement les limites dans l’élaboration de nouveaux tirages et la frustration peut me rendre aigrie.
Je suis partie quelques jours en Normandie pendant les vacances et j’en ai profité pour m’adonner à quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant : la photo de rue. En gros, ça consiste à prendre des gens en photo dans la rue en privilégiant la spontanéité. Je suis allée voir au préalable sur YouTube comment les photographes se dépatouillaient avec cet exercice et beaucoup n’hésitaient pas à communiquer avec des modèles potentiels pour les faire poser. Bien sûr, ils donnaient ensuite des conseils (environ toujours les mêmes) pour réaliser soi-même une bonne photo de rue. Beaucoup de choses se sont passées dans mon cerveau… genre, beaucoup. Les photographes dont je parle étaient tous des hommes et j’ai été fascinée par la facilité qui semblait se dégager de leur pratique, et ce même si certains confessaient être un peu stressés avant de se lancer. Je suis persuadée que le genre du/de la photographe de rue a une influence sur son bien-être et sur la relation avec les modèles.
Je ne développerai pas tout de suite cette question car je n’ai pas l’expertise suffisante de la photographe pour ce faire. De plus, j’ai des biais qui me viennent de mon vécu de militante féministe. Je ne demande qu’à m’en défaire mais l’expérience me prouve d’année en année que j’ai raison de me méfier. Je vais simplement me contenter de publier quelques uns de mes premiers essais en photo de rue parce que je n’ai peur de rien, pas même de la honte qui m’étreindra de ses grands bras musclés dans quelques années. Mais avant, je dois vous dire que j’ai adoré faire ça. J’ai toujours eu le sens de l’observation et je trouve les gens très intéressants (leurs fringues, leur attitude, il y a tant à voir). Cela dit, je ne suis allée à la rencontre de personne, mon anxiété sociale me l’a interdit. De fait, j’ai raté une photo pour laquelle je n’avais d’autre choix que de demander l’autorisation aux protagonistes (un couple prenant l’apéro sur le perron de leur maison à Granville), la discrétion étant ici impossible. J’y pense encore, j’ai trop les boules. Vous l’aurez compris, j’ai photographié tout le monde de manière spontanée. Je ne me suis pas cachée (rien de pire que d’avoir l’air coupable) mais j’ai essayé d’être la plus effacée possible. Évidemment, la plupart du temps j’ai été repérée très vite et tout·es celles et ceux qui ont regardé l’objectif l’ont fait avec bienveillance (ce dont j’étais moi-même empreinte, cela va sans dire). Je leur suis très reconnaissante.
Place aux images
Parfois il est question d’un ensemble. Ce type avait une bonne attitude générale rehaussée par son sens du style. Le plus étonnant était l’environnement. C’est comme si cette petite table était le seul coin immobile de la rue principale de Cabourg. Deux hommes en train de kiffer un plat et une bouteille de vin au milieu de l’agitation touristique, des épicuriens j’imagine.
Des cyclistes en pause sur la promenade de Cabourg, face à la mer. C’est l’endormi qui a attiré mon œil. Il était midi en plein cagnard (cagnard normand et donc relatif somme toute) et ses potes ont capté mon intention. J’ai adoré.
Cette photo est techniquement ratée : elle est floue, la jeune fille de droite ferme les yeux et les pieds sont coupés. Oui mais j’ai tellement aimé le style de ces deux-là… Peu après avait lieu une parade dans les rues de Cabourg et je ne sais pas si elles en faisaient partie. En tout cas elles avaient rendez-vous.
Je me promenais dans les rues de Cherbourg quand je me suis retrouvée derrière ce couple. La prise de vue a duré une seconde mais j’ai eu le temps de me poser plusieurs questions : l’homme a un style, ça se voit à sa tenue (il prend le temps de l’élaborer) et sa coupe de cheveux, et c’est la femme qui porte tous les sacs (dont son sac à main Louis Vuitton), pourquoi ? Lui est en train de ranger quelque chose au fond de l’un d’eux mais quoi ? Puisqu’il porte une chemise à motif camouflage, pourquoi n’a-t-il pas son propre sac ?
À Granville, je suis tombée sur cette manifestation religieuse dans la rue. Je ne connais pas du tout le contexte mais ce groupe priait juste devant l’entrée de l’église (à gauche). J’ai trouvé les ouailles hyper jeunes.
Cette photo est probablement ma préférée de cette série normande. Nous sommes toujours à Granville, sur la place Cambernon, et le sourire de cette personne en train de chiller sur son banc m’a littéralement refaite. J’aime beaucoup la dichotomie avec son côté darkos, en noir des pieds à la tête. Très belle énergie.
À Trouvillle, patelin que j’adore, les bords de la Touques sont pleins de pêcheurs affairés. Ceux-là étaient peut-être en train de se raconter des blagues parce qu’il y avait une bonne ambiance.
Cette ado m’a fait rêver. Probablement à cause de son petit côté déter avec le t-shirt qui va bien et une manucure au top. Elle avait rendez-vous elle aussi, portable à la main. Go girl.
Je termine par ce couple goal, en train de réparer un vélo. J’ai pris plusieurs photos de ces deux personnes, ça m’a pris plusieurs bonnes secondes, et je ne les ai pas entendues s’engueuler une seule fois. Le genre de truc qui me marque.
Je n’ai pas tout posté et vous pouvez retrouver davantage de photos sur mon compte Instagram perso, enfin celui que je n’utilise pas pour le cyanotype, alors je vous invite à me suivre.
Je note une chose importante au sujet de la photo de rue. C’est que c’est beaucoup plus facile de la pratiquer dans une ville que je n’habite pas. Je ne sais pas encore si je me sens prête à faire ça chez moi. Il le faudrait pourtant, c’est le meilleur moyen de s’entraîner. J’imagine qu’on se tient au jus…
Elles sont bien ces photos, je réalise que souvent les gens font du n&b dans la photo de rue je sais pas si tu t’y es essayée ?
Perso j’ai pas mal régressé sur cette pratique là (déjà que j’osais pas tellement), l’exercice est compliqué à conjuguer avec l’introversion (heureusement je suis assez satisfait de prendre en photo des sujets inanimés).
Bref ça fait plaisir de voir que tu t’es lancée dans une nouvelle pratique et que ça te réussit bien, ça donne envie de tenter des trucs
Merci !
J’ai remarqué aussi beaucoup de noir et blanc dans cette pratique. J’adore le noir et blanc mais j’ai déjà entendu des photographes dire que c’était une solution de facilité alors que moi, je trouve ça vachement plus casse-gueule. Tout n’est pas soudainement incroyable une fois désaturé, ça demande de la maîtrise je trouve. Mais enfin j’essaierai quand même un de ces quatre.
Peut-être que tu le connais déjà mais il y a un youtubeur que je suis et dont j’aime le propos général, il est photographe et vidéaste, basé à Lyon, c’est Nicolas Doretti (@NicoDT sur YT). J’ai regardé son approche de la photo de rue, j’ai trouvé ça très intéressant.
Je ne connaissais pas, j’irai voir ! Le noir et blanc on ne peut jouer que sur les contrastes pour faire ressortir le sujet, là où la couleur peut sauver la mise parfois donc je comprends aussi la problématique c’est sûr.